D'un certain côté.
La cavité entoure t elle le plongeur ou le plongeur est il entouré par la cavité ? Est ce le plongeur qui décide de sa configuration ou la cavité qui décide de la configuration du plongeur ? Grandes questions philosophiques… ? Elles peuvent paraître un peu naïves ces questions, pas tant que ça dans le fond, surtout aujourd'hui où certains effets de mode induisent parfois des comportements et des propos étonnants. Pour ma part, la cavité a toujours guidé mon évolution. Elle a presque choisi pour moi ce qui allait m'arriver par la suite, selon les profondeurs et les distances où elle me conduisait. Même le choix des cavités s'est souvent fait par hasard, au grès des rencontres, des tuyaux d'indicateurs anonymes, des après midi oisives. L'un des facteurs essentiels dans cette évolution est directement lié à la morphologie des galeries. La confrontation avec des passages et des sections étroites nous a conduit à modifier nos techniques de plongée, notamment en ce qui concerne la fixation des bouteilles. Face à l'intimité de certains passages et par notre entêtement à vouloir passer coûte que coûte, nous avons dû nous adapter et trouver des solutions pour aller plus loin. Et ceci dans des conditions acceptables, car l'option décapelage du bi bouteille dorsal a provoqué trop d'accidents, souvent mortels, pour qu'elle puisse être envisagée comme un choix rationnel. Je ne vais pas refaire l'histoire, elle connue de tous ou presque. Pour ceux qui ne s'en souviendraient pas, les premiers à permuter les bouteilles du dos aux côtés sont les Anglais. Leurs galeries sont souvent étroites et basses sous plafond, avec une visibilité aléatoire. Pas étonnant après qu'ils soient devenus les meilleurs plongeurs et explorateurs souterrains. Mais, en ces temps anciens, les blocs étaient fixés à la ceinture, sans possibilité de les bouger pendant la plongée. Plus tard, en France, on s'est aussi mis à plonger à « l'anglaise » et encore un peu plus tard, la fixation des bouteilles a évolué, pour plus de souplesse et de polyvalence. Le harnais est devenu « déstructuré », atteignant un certain niveau de perfectionnement pour ceux fabriqué par Philippe Bigeard où sous l'impulsion des plongeurs britanniques du Cave Diving Group et notamment Martyn Farr. Il était désormais possible de fixer les bouteilles avec un mousquetons, de les plaquer contre le corps avec un sandow et de les déplacer pendant la plongée au grès des rétrécissements ou des passages aériens. Une poche dorsale amovible en toile soudée permettait même d'avoir un élément de flottabilité efficace. Ensuite, les plongeurs évoluant dans le Yucatán ou en Floride perfectionnèrent les solutions existantes pour aboutir aux techniques actuelles et au large choix que nous connaissons actuellement au niveau des harnais « sidemount ». Pour ma part, les bouteilles sont passées sur les côtés dès 1999. La majeure partie des sites que nous fréquentions étaient jalonnés de passages très étroits, ce qui d'une certaine manière a préservé leur « virginité » et nous a permis ensuite de « foncer » dans l'inconnu. C'est donc en 1999, il y a vingt ans lors du début des explorations dans la source de la Dube (Cul froid) que je me suis fabriqué un harnais de fortune afin de pouvoir franchir l'entrée monstrueusement étroite de cette source. Et même comme ça, le passage était vraiment difficile. Le plis était pris et la suite des explorations s'est presque uniquement effectuée en configuration latérale. Corveissiat, trémie et faille étroite, Sous Balme étroiture et laminoir profond, Marchepieds, Petit Corent, Archiannes, Orbiquet, Sexagésime, Tabourot, Fosse Dionne, uniquement accessibles et fréquentables avec les bouteilles sur le côté. De nombreuses années auront été nécessaire pour arriver à une configuration « propre », efficace et « élégante ». Au début, nous conservions les protections de robinetteries, ce qui bien évidemment était absolument inutile et inconfortable. La position des bouteilles était aléatoire, trop basses, trop hautes. Le plus dur aura été la gestion de la flottabilité. Nous utilisions des stabs mais ça n'était vraiment pas la bonne solution. Plus tard, nous avons fabriqués des poches dorsales, plus ou moins réussies qui souvent nous faisaient ressembler à des tortues ninjas perdues dans un siphon. Et enfin, sont arrivés les premiers harnais dédiés à ce type d'usage, Armadillo, Transpac... Les flexibles sont encore restés quelques temps sur le devant puis finalement, ils sont passés derrière le cou pour arriver à une solution fluide. Lors de nos explorations, les distances et les profondeurs n'ont cessé de croître au fil des ans. Nous étions rentrés dans la spirale infernale des blocs relais, des blocs de sécurité, des plongées de préparations pour déposer les bouteilles afin d'aller plus loin, toujours plus loin. Évidemment, nous sommes arrivés à la limite du raisonnable, donc nous avons commencé à plonger avec un recycleur. Les blocs sur le côté plus un recycleur « latéral » positionné au dessus de la bouteille. Nouvelles problématiques, nouveaux réglages, nouveaux tâtonnements et nouvelles explorations. Mais les distances augmentant, la quantité et le nombre de bouteilles de sécurité suivait la même courbe exponentielle. L'exploration de la source de Marchepieds aura été une étape importante. Ayant fait l'explo seul, sans assistance extérieure, j'ai rarement autant souffert. J'ai atteint, voir dépassé les limites possibles et acceptables de ce qu'il était possible de faire. Lorsque je revois les photos, j'étais vraiment « attifé comme l'As de pique ». Après ces plongées, j'ai effectué une véritable « révolution » me tournant vers une configuration plus « Hogarthienne », optant pour des blocs en aluminium, recherchant, la légèreté, la simplification à outrance. D'autant plus que nous sommes très vite arrivés à nouveau aux limites du raisonnable pour assurer une sécurité en circuit ouvert. Donc logiquement, nous sommes passés au double recycleurs. Bouteilles sur les côtés et deux recycleurs, tout particulièrement pour l'exploration de la grotte de Corveissiat où nous sommes arrivés à plus de deux kilomètres de l'entrée. Aujourd'hui encore, peu de plongeurs s'aventurent en exploration en « sidemount » avec deux recycleurs. La complexité de la configuration et la maîtrise de celle ci demande de la patience et des choix pertinents. Mais, elle ouvre les portes de passages réputés infranchissables qui finalement le sont, parfois au prix d'efforts importants. Pour moi, la cavité et le milieu façonnent le plongeur et non pas l'inverse. J'ai appris à plonger avec des mélanges respiratoires pour réduire les temps de paliers, pour aller plus profond car la galerie descendait et que j'avais envie d'aller voir un peu plus loin. Et uniquement pour cette raison. Je n'ai pas choisi des cavités profondes pour plonger profond, je n'aime pas particulièrement les paliers, je trouve ça excessivement chiant. Il n'y a pas d'autre mot. Je me suis donc mis à plonger avec les bouteilles sur le côté parce que l'exploration, l'accès aux galeries vierges n'étaient possible uniquement dans cette configuration. Aujourd'hui, je l'avoue, je trouve ça bien plus confortable qu'un bi dorsal, plus fluide. De plus, en plongée solo, la possibilité d'intervenir sur les robinets et les détendeurs ajoutent de la sécurité et des possibilités de réchappe qu'interdisent les bi dorsaux avec bouteilles indépendantes. Aujourd'hui, toute proportion gardée, la plongée souterraine, se démocratise et elle devient attractive. Le « sidemount » est super tendance, les fabricants proposent tous un harnais spécifique et les instructeurs « es sidemount » fleurissent comme les pâquerettes lors d'un beau printemps ensoleillé. Les agences de certifications, même les plus réfractaires à ce genre d'évolution cèdent et proposent aujourd'hui des formations et des équipements dédiés. Au niveau de l'enseignement, de la pédagogie et de la configuration, une véritable surenchère élitiste pousse les instructeurs à toujours plus. Plus de perfection, plus d’exigence, plus d'exercices, plus de plus afin de devenir le top nec plus ultra de ce qui se fait dans le domaine de la plongée à l'heure actuelle. Dans le fond, la qualité à la fois des équipements et de la pratique des plongeurs ne cessent d'augmenter. Et c'est très bien car cela permet sans doute d'apprécier plus sereinement le milieu dans lequel on évolue et au final de réduire drastiquement les accidents. Néanmoins, des mots comme snobisme, gourou, doctrine néo phylosphicommerciale me viennent à l'esprit mais je sens que je glisse vers le terrain un peu polémique. Je m'arrêterais là. Ce sont sans aucun doute les dommages collatéraux liais au succès, à l'ouverture vers un plus grand nombre de pratiquants, à des années de partage, afin de tenter de montrer « l'autre monde », de montrer que le milieu souterrain est un endroit magnifique. L'énorme avantage, c'est qu'il est facile de ranger le portable, de faire un pas sur le côté et de s'enfoncer dans des galeries et des sites peu fréquentés et peu fréquentables. De s'éloigner de ces vaines gesticulations, pour retrouver l'essence même de notre passion, pour s'enfoncer profondément dans les veines de la Terre. Là où les mots n'ont plus grandes importances et l'harmonie minérale vous envahit et vous fait planer... ! Take a walk on the wide side... !
"Less is more."
Aujourd'hui, je suis fatigué par cette surenchère permanente, à contre courant de notre époque et des enjeux actuels. Toujours plus, plus de tout, plus de rien, plus vite, plus loin, plus de performance, plus vite dans le mur très certainement. Pendant de nombreuses années, ça été toujours plus. Plus loin, plus profond, plus de matériel et plus d'équipements pour s'enfoncer sous terre à la recherche de l'inconnu. Nous avions « une bonne excuse », l'exploration, la quête de la première. Mais aujourd'hui, un peu à l'image de ce qui se passe sur le Mont Blanc ou sur l’Everest, on vient souvent chercher la performance, plus que le sens. Depuis quelques temps, je recherche le toujours moins, moins de matériel, moins de distance, moins de profondeur, moins y en a et mieux c'est. Et surtout moins il y en a, plus il y a de plaisir et de sens. Fini la surenchère, la débauche de matériel, même pour les rares explorations que je fais encore, j'essaie d'optimiser et de me contenter du strict nécessaire qui est souvent encore trop. Aujourd'hui, le bonheur, l'extase passe par le dépouillement, l'ascétisme, l'économie de moyen, de geste, d'effort. Ils sont encore nombreux les plongeurs à prendre leur pieds dans la débauche de chiffres, de distance, de profondeur. Pourquoi pas, chacun son truc... ! Mais dans le fond, le fond est il plus joli que l'entrée ? Aller profond pour la profondeur, pourquoi pas ? Mais est ce un objectif suffisant pour justifier tout ça ? Pas certain, en tous les cas, plus pour moi. Il s'agit souvent, pas toujours mais souvent quand même et encore une fois d'histoires d’ego. Car il est possible de rester longtemps sous terre et de découvrir des choses que personne ne voit. Il est possible d'aller loin et de plonger longtemps, avec peu de matériel, tout en restant dans les clous au niveau sécurité. En optimisant au maximum l'équipement de base et en tirant le meilleur des techniques personnelles, il est possible d'obtenir un meilleur « rendement ». En effet, en essayant d'améliorer au maximum, sa respiration, son trim, sa flottabilité, chaque geste, sa « glisse », il est possible d'obtenir des résultats exceptionnels. Parfois supérieurs à ceux obtenus avec une configuration lourde mais avec moins de technique personnelle. Profondeur, distance, scooter. Tu prends le temps de rien, tu fonces, tu descends comme une brute, tu passes des heures aux paliers à te faire chier et souvent à te geler les miches. Alors tant qu'à rester longtemps sous l'eau autant en profiter. Après chacun son plaisir, le mien n'est pas et n'est plus forcément dans la profondeur et dans la distance. Il ne l'a jamais été dans le fond, si ce n'est que pour l'unique et seule motivation, atteindre la fin du fil et commencer à évoluer dans l'inconnu. Prendre son temps, s'arrêter, regarder, se promener, observer la roche. Qui regarde ça, qui regarde ces détails ? Peu de monde. Qui s'éloigne du fil et va se promener au plafond. Qui connaît la faille concrétionnée à Saint Georges qui ne figure pas sur la coupe et la topo ? Pas grand monde. Qui monte dans la faille à l'entrée de Landenouze ? Pas grand monde non plus. On avance sur le fil sans prendre du recul, on suit le fil, on emprunte le chemin tracé, le nez dans le guidon. Et on passe à côté de tellement de merveilles. Je peux m'arrêter de très longues minutes, au milieu d'un puits ou d'une galerie et contempler la beauté des lieux. La même chose pour la sortie. J'éteins tout, je me colle au sol ou au plafond, je reste immobile en pleine eau et je laisse mes yeux s'habituer à la pénombre, à la lueur à peine perceptible du jour. La contemplation et la méditation sont de bonnes choses en plongée souterraine. S'imprégner de la force, du silence, de la beauté, de la puissance d'un lieu, une expérience unique et enrichissante. Aujourd'hui, je privilégie la durée, la lenteur, l'observation, les chemins de traverses, le spool à la ligne principale. Et comme à chaque fois, dès que vous faites un pas sur le côté, vous voyez le monde sous un autre angle, sous une perspective peut être plus intéressante. Voilà, dans le fond, ce qui prévaut en surface fonctionne aussi en dessous, il en faut vraiment très peu pour être heureux. « Less is more ».
Presque mort.
La première fois où j'ai failli y passer, j'avais cinq ans. Un peu jeune pour mourir, mais je le sais aujourd'hui, la mort ne s'embarrasse pas de ce genre de détails. Pressé de retrouver ma grand-mère, j'ai bondi sur la route, entre deux voitures stationnées. Au même moment, une 4L arrivait pas très vite, mais si proche. Je me jetais en arrière, tombant sur les fesses, une jambe repliée et une autre à plat sur la route. Et je regardais incrédule la voiture me rouler sur la guibolle. Par chance, je n'ai rien eu, à part une douleur assez vive et la peau un peu rougie. Plus tard, j'ai vécu deux ou trois autres incidents sérieux, certains sans le savoir d'ailleurs. Pour la plongée, je le sais, cela n'arrive pas qu'aux autres...! Forcément, depuis dix-sept ans que je plonge sous terre, j'ai déjà rencontré des situations scabreuses. Je sais qu'à chaque plongée engagée, le risque d'y rester est bien présent. Je ne me suis jamais menti à ce sujet. D'ailleurs assez souvent, lorsque j'en parle avec mes camarades de plongée, cela jette un froid. La plupart des gens et des plongeurs ont du mal à accepter cette idée. Parfois, ils refusent d'en parler, ils n'acceptent pas cette probabilité où alors ils trouvent des arguments, souvent irrecevables pour contourner cette éventualité. Pourtant, partir en exploration sous terre, c'est aussi d'une certaine mesure se rapprocher un peu de la mort. Je ne crois pas sous-estimer le danger, ni m'habituer aux risques de notre activité. Je les connais, je m'en méfie, d'autant plus que certaines négligences passées ont agi comme des piqûres salutaires de rappel. Je fais tout et plus encore pour réduire le risque à son minimum. Mais là, le danger est venu par là où je ne l'attendais pas. Un coup bas, une traîtrise inqualifiable...! Une très mauvaise surprise...! Cette mésaventure estivale n'est pas liée à une faute majeure où à une négligence outrancière ! Non juste au temps qui passe...! On a toujours l'impression d'avoir vingt ans, surtout dans la tête. J'ai mûri un peu, je ne commets plus certaines erreurs. Mais en revanche, la carcasse montre des signes d'usure. Les signes ostentatoires, je les connais, je fais avec. Mais il en est d'autres, invisibles que je ne soupçonnais pas...! Ils se sont manifestés violemment lors de cette belle journée ensoleillée de juillet...! Un peu comme un coup de pied entre les jambes ou d'un coup de poignard dans le dos. Voici l'histoire de ma dernière plongée...! Une fois de plus, j'ai retrouvé l'ami Hervé Cordier pour nous lancer dans l'exploration de la source du Gouron. Cette source sort dans le lit de la Loue, dans le Doubs. Le récit de Jean Jaques Bolanz sur cette exploration m'avait donné une envie farouche d'aller dans le sixième siphon ce qu'il y avait à découvrir au bout du fil tiré par John Volhanten...! Seul le passage du premier siphon, au niveau plongée, présentait quelques difficultés. Cinquante trois mètres de profondeur, dans une eau à 9°, avec un équipement très moyen et une visibilité le plus souvent médiocre. Ensuite, après être sorti du siphon, il est nécessaire de marcher longtemps, de descendre, de remonter, de plonger à nouveau, des siphons plus courts et moins profonds. Pour cette raison, j'avais opté pour une stratégie basée sur la vitesse et la légèreté. Je comptais franchir le premier siphon en propulseur, en combinaison humide, afin de ne pas perdre une heure en habillage et déshabillage. Ça n'est pas la première fois que je plonge en humide sous terre. Je n'aime pas ça, mais ça va le faire. Qui aime avoir froid ? Mais je mise sur la vitesse de franchissement pour ne pas me transformer en glaçon. Enfin, pour la légèreté, tout est relatif. Mais pour nous plongeur spéléo, nous n'envisageons pas les choses tout à fait de la même manière. Une première plongée était donc prévue pour déposer des bouteilles et du matériel à l'entrée du cinquième siphon. Ensuite, lors d'une seconde plongée, nous devions aller explorer la suite de cette rivière souterraine. Donc, tout est prêt pour la grande balade. Je suis en super forme, je cours deux à trois fois par semaine, je ne traîne pas de fatigue accumulée. J'ai peaufiné l'équipement, vérifié tous les gaz, préparé le recycleur avec soin et minutie. Je n'ai rien laissé au hasard. Mon recycleur Joky est donc monté en dorsal, pour ce type de plongée, cela permet d'aller plus vite pour l'équipement. J'emporte une bouteille S80 de sécurité, deux bouteilles de 4 litres pour les prochains siphons et deux bouteilles de 6 litres en carbone 300 bars et un sac avec cordes et équipements spéléos. Oui, je vous l'accorde pour la légèreté, j'ai fait mieux. Mais j'ai fait pire, bien pire. Je suis tracté par un propulseur, les batteries sont neuves et il est puissant. Dès la mise à l'eau dans la Loue, je sens le froid. Sensation inhabituelle, car nous plongeons presque toujours en étanche. Je rentre dans la cavité et je descends assez rapidement la pente de galets. J'attends Hervé une première fois et je continue. Je m'équilibre, ma bouée dorsale est bien gonflée. Dans la galerie basse, j'ouvre en grand malgré une visibilité très médiocre. J'attends Hervé, une seconde fois. Il arrive et je repars à fond la caisse. Pas question de s'éterniser dans la partie basse, à 53 mètres. Je sens le froid, mais je n'ai pas froid. Disons que je ne tremble pas, je ne grelotte pas. J'ai les idées claires, je respire un Trimix. A cette profondeur et vu les conditions de plongées, je ne regrette pas l'option Hélium...! L'équipement de la galerie est déplorable, plusieurs fils sont regroupés ensemble, c'est déjà pas mal. Mais en principe c'est une galerie, un fil. Mais là, pas le temps de m'occuper de ça. Hervé ne suit pas, je ne l'attends pas, je fonce. Je ne veut pas avoir froid. Je suis parfaitement équilibré, lourd et encombrant mais équilibré. Je ne palme pas ou à peine. Le propulseur me tracte sans problème. La plongée se déroule comme prévu...! Dans la partie basse, je commence à tousser. Je n'y prête pas spécialement attention. Je commence aussi à respirer un peu moins bien. Je mets ça sur le compte de l'effort fourni. Même si je ne palme pas, je me contracte sur le propulseur, pour tenir un équilibre, pour gérer mes charges. J'entame la remontée et je quitte la zone profonde. Je suis resté peu de temps dans cette partie de la galerie, l'ordinateur affiche peu de paliers, ils vont d'ailleurs disparaître lors de la remontée. Je tousse de plus en plus et je respire de plus en plus mal. Et je ne comprends pas vraiment pourquoi...? Je commence à m'essouffler, ça arrive lorsqu'on est trop chargé. J'essaie de reprendre le contrôle, comme d'habitude. Mais ça ne sert pas à grand-chose. Dans la zone des 25 mètres, je palme. La galerie remonte trop rapidement pour utiliser le scooter et je dois quand même y aller tout doux pour évacuer l'hélium. Je reste concentré sur ma plongée, mais plus je remonte, plus la situation se dégrade. Le gaz se dilate dans la boucle du recycleur, je le laisse s'échapper, comme d'habitude. Mais là, ça n'est plus du tout comme d'habitude. Je sens que ça dérape. Je ressens de plus en plus de difficultés à respirer, je me sens oppressé, asphyxié. Je remonte encore, la sortie du siphon se rapproche, je n'en ai plus pour très longtemps. Je suis seul, Hervé est plus loin, derrière, mais ça aussi en plongée souterraine, c'est normal. Dans la zone des 15 mètres, je n'en peux plus, je ne parviens plus à respirer normalement sur le recycleur. Je subis un essoufflement sévère. Je dois passer en circuit ouvert. Je respire sans retenue sur ma bouteille de sécurité. Je repars avec le propulseur, la galerie remonte doucement. Je respire toujours aussi mal, je n'ai qu'une seule idée en tête, sortir de l'eau, sortir de ce fichu siphon. Je n'ai pas froid, disons que je ne sens pas le froid. Mon cerveau et mes pensées sont envahis par un sentiment de détresse, ventilatoire et psychologique. Je me rapproche de la sortie, mais mon état continue à empirer. Je respire n'importe comment, c'est l'anarchie totale. Je ne comprends pas pourquoi je suis dans cet état. Je n'ai pas palmé, je suis repassé en circuit ouvert, je respire à fond, ça devrait passer. Je commence à vraiment me sentir mal. Sans aucune logique, je cherche à tout prix à me délester de mes sacs, celui avec les deux bouteilles de quatre litres et l'autre avec les cordes. Je veux m'alléger afin de retrouver plus d'aisance. Je gigote, je me débats pour essayer de décrocher tout ça. Je manque totalement de lucidité, je pars en sucette. Je commence à perdre le contrôle de la situation. Je sens la panique se glisser sous la porte et se répandre dans mon esprit. J'ai l'impression de vivre un cauchemar, le pire moment de ma vie. Je commence à suffoquer, je suis à la limite de la noyade. Soudain, l'intensité lumineuse baisse, comme si toutes mes lampes s'éteignaient doucement, en fin de charge. Je vois comme un effet tunnel, gris sombre, presque noir. Je pense à mes enfants, Pauline et Ugo. Je sors de mon corps, je me vois allongé, inerte sur le sol, les lampes de mon casque allumées. J'imagine la scène que va découvrir Hervé dans quelques minutes. J'imagine ce qu'il va endurer, ce que les sauveteurs vont vivre. Je sens que cette fois, ça y est, je suis à deux doigts de crever. Je sens la mort si proche, à quelques secondes. Je me sens mourir, je sais que je suis presque mort, la panique explose. La peur et le stress rendent idiot, depuis quelques seconds, j'agis en dépit du bon sens. Je vais crever, je sens ma vie sortir de mon corps, je sens l'imminence inéluctable de cette fin. Et là, dans une sorte de sursaut de vie, dans un accès de rage, je décide que non, ça n'est pas possible. Je ne crèverais pas aujourd'hui, pas ici, pas comme ça. C'est trop con de mourir là, dans ces conditions. C'est hors de question. Je ne crèverais pas aujourd'hui. Je parviens à retrouver ma lucidité. Mon cerveau fonctionne à nouveau normalement. Je parviens à organiser mes pensées, à reprendre le contrôle de la situation, in extremis. J'attrape ma six litres d'air que j'ouvre en une seconde. Je crache le détendeur de la S80 de Trimix et je me colle le détendeur dans la bouche. Je m'allonge, je m'immobilise totalement, je ferme les yeux, je ne bouge plus. Je vais chercher au plus profond de moi, le calme, la plénitude dont j'ai besoin pour vivre, pour survivre. Je laisse la mort me survoler, m'effleurer. Ça y est, elle a bien compris qu'elle ne m'attraperait pas aujourd'hui. Moi aussi, je le sais, ça y est je suis sauvé, pour l'instant. Je me calme, je respire normalement. Hervé arrive, j’aperçois ses lumières, je me retourne à peine pour le regarder. Je suis quand même très mal. Très très mal. J'ai repris le contrôle de la situation, mais je sais que ça ne tient pas à grand-chose. Je ne prends pas la peine de discuter avec Hervé, je n'ai qu'une idée, sortir de là, vite, maintenant, tout de suite. Une question de vie ou de mort. Et puis, il va me suivre et nous allons nous retrouver dans un instant à la sortie du siphon. J'enclenche le scooter et en effet moins d'une minute plus tard, je sors la tête de l'eau dans la grande salle au bout du premier siphon. Sauvé...! En piteux état mais vivant, survivant...! Je dépose toutes mes charges, bouteilles, sacs. Je me déséquipe, je sors de l'eau. Autant sous l'eau j'ai supporté le froid sans trembler, autant maintenant, je grelotte des pieds à la tête. Je suis seul dans une salle rectangulaire, sombre, humide et silencieuse. L'endroit est joli, mais aujourd'hui, je reste assez hermétique aux beautés souterraines. J'ai juste le sentiment d'être enfermé dans une sorte de sarcophage minéral. Je marche un peu, mais je suis incapable de fournir le moindre effort. Je tousse, je m'essouffle au moindre mouvement. Je ne comprends pas ce que j'ai, je ne mets aucun nom sur cette crise. Je respire de l'oxygène sur mon recycleur et là, je sens que ça va mieux. Hervé ne sort pas...! Et il ne me rejoindra pas...! De toute façon, je ne suis pas certain qu'il puisse faire grand-chose pour moi. Lorsque je suis sorti du siphon, le fil était cassé, mais j'ai vu l'autre bout à quelques centimètres donnant sur la sortie. J'aurais dû l'attacher mais je n'avais qu'une idée en tête sortir. Hervé pensant que j'avais cassé le fil et ne trouvant pas l'autre bout et après m'avoir attendu dix minutes a décidé de repartir. Ce sont nos usages, plongée solo....! Donc, je suis seul derrière un verrou liquide, à presque 600 mètres de la sortie. Je suis passé à deux doigts de la mort. J'ai un problème respiratoire important, j'ai froid, je suis vidé. Cette crise m'a épuisé. Je respire de l'oxygène sur mon recycleur, je mange et je bois. J'avais emporté des boissons énergétiques et mon kit de survie. Je fais un rapide bilan de la situation et de mon état. Si j'attends là, quoi qu'il arrive les secours viendront me chercher. Mais dans longtemps. Au mieux Hervé plongera à nouveau, il me retrouvera, il m'aidera, mais de toute façon, je devrais plonger pour sortir. J'ai déjà froid alors dans plusieurs heures...!? De plus organiser un secours dans ces conditions, ça risque d'être rock'n roll. J'écarte assez rapidement cette hypothèse. Ressortir seul, par mes propres moyens...! Je sens que c'est jouable. Et que dans le fond, je n'ai pas trop d'autre solution. Je continue à boire et à récupérer. Je me prépare mentalement à m'immerger à nouveau. Je vais y aller doucement et si je sens que ça ne va pas, je fais demi-tour immédiatement. Mais vraiment je ne me vois pas attendre ici, dans mon état , des heures durant l'arrivée des secours. C'est décidé, je sors tout seul, je m'organise pour une sorte d'auto secours qui a déjà commencé dès ma sortie de l'eau. Une heure plus tard, je descends à nouveau dans l'eau. J'ai récupéré un peu, je suis calme, je me sens capable de gérer une seconde plongée. Je laisse mes deux sacs, je prends mes deux bouteilles carbone et ma S80. La première plongée a duré 31 minutes, là, je devrais aller beaucoup plus vite, la souffrance sera assez courte. D'autre part, je suis excessivement motivé à l'idée de retrouver l'air libre et le soleil de juillet. Je m'équipe, je fixe les bouteilles, je respire sur le recycleur. Tout va bien. J'allume mes lampes, je me laisse glisser dans l'eau. Je ressens un peu d’appréhension. Je crains que la crise recommence mais bon, je ne vais pas croupir ici. Je respire le plus lentement possible. Je démarre le propulseur et je me laisse entraîner vers le fond. La plongée se passe bien, le froid m'écrase mais je ne tremble pas. Je me concentre sur ma ppO2, sur le fil et sur ma respiration. Le franchissement de la partie basse s'effectue sans aucun problème. J'arrive en bas de la pente qui va me conduire à la sortie. J'arrête le propulseur, le sol est jonché de galets et de graviers, le plafond est assez bas, inutilisable dans ce contexte. Je remonte lentement, j'ai deux minutes de paliers, autant dire, rien...! Le gaz dans la boucle se dilate et la comédie recommence. J'ai à nouveau du mal à respirer, je laisse le surplus de gaz s'échapper. J'aurais dû repasser en circuit ouvert à cet instant. Mais décidément, je ne suis pas tout à fait dans un état normal. Le froid a dû anesthésier certaines de mes fonctions cérébrales. Je remonte, je n'ai qu'une idée en tête, sortir de là, rapidement. J'oublie volontairement les paliers, vu mon état et vu le peu de minutes affichées, ça ne sert à rien de s'arrêter. Je remonte un peu vite sans doute mais sans pour autant ressembler à une fusée. La lueur du jour s'amplifie, ça y est je sors de la cavité, je suis dans la rivière, je gonfle la bouée dorsale. Je respire toujours aussi mal, mais là, ça n'a plus beaucoup d'importance, je sais que la surface n'est plus très loin. Je retrouve l'air libre, le soleil et les eaux poissonneuses de la Loue après 21 minutes de plongée. Hervé m'attend au bord de l'eau. Je me laisse tirer par le scooter. Je peine à trouver un appui sur la berge. Je suis à l'air libre et je continue pourtant à étouffer. Je ne retrouve pas ma respiration, je suffoque, en silence. Hervé ne se rend pas tout de suite compte que je suis en train de m'asphyxier à quelques centimètres de lui. Il me demande si ça va …? Le con...! Je tourne la tête de gauche à droite et là, le miracle se produit. Il m'aide, il me déleste de mon matériel, il comprend que je suis à la ramasse...! Je le laisse faire, je tombe le recycleur et je parviens tant bien que mal à retrouver un rythme respiratoire supportable. Je ne sais toujours pas ce que j'ai mais je suis certain que j'ai un truc pas normal. Nous sortons le matériel de l'eau. Hervé remonte tout au bord de la route. J'essaie de lui donner un coup de main, mais je ne suis pas très efficace. Je lui raconte ma plongée, j'attends en respirant de l'oxygène. Dès que je marche ou que je porte la moindre chose, j'ai l'impression de gravir le K2...! Et Hervé qui est plus au fait des choses de la plongée que moi évoque pour la première fois un OAP, l’œdème aigu du poumon. Une saloperie quoi...! Bon, je vous passe, les pompiers, le SAMU, le tour en hélicoptère, les CHU de Besançon, le caisson monoplace Comex, mais des premières années. Je vous passe, les prises de sang, les électro, le scanner, la visite amicale du représentant du SSF 25. Ce qui est certain c'est que la chaîne de secours aura été super efficace et d'une gentillesse exceptionnelle. Je ne sais pas s'ils liront cet article, mais je vous remercie tous, pompiers, infirmières et infirmiers, pilote d'hélico, médecins, aides soignantes, vous avez été magnifiques. Ça donne presque envie de revenir vous voir...! Pour en finir avec cette histoire, je n'ai plus vingt ans. Hervé qui a effectué la même plongée, dans les mêmes conditions, en combinaison humide n'a rien eu. Pas le même âge et pas le même organisme. Je n'aurais pas dû plonger en humide...! Car le froid aura été l'élément déclencheur principal. Mais j'ai plongé en humide et j'ai eu froid si souvent sous terre, sans jamais avoir de problème..! Mais là, combiné avec l'utilisation du propulseur et donc de l'accroissement du flux d'eau sur la cage thoracique, mon organisme n'a pas supporté...! Je le saurais et maintenant, l'étanche sera toujours de rigueur...! Je m'en tire bien, j'ai retrouvé ma famille, ma femme et mes enfants, mes copains. Je remercie toutes celles et tous ceux qui m'ont soutenu dans cette « aventure ». J'ai reçu de très nombreux messages, de nombreux coups de fil, de très nombreux témoignages de sympathie de la communauté. Je vous remercie tous car ça m'a vraiment touché... ! Je n'ai pas de séquelles, je dois attendre encore un peu avant de remettre la tête sous l'eau. C'est un coup dur mais je crois que je suis verni. Je m'en tire très bien, je vis comme avant. Je replongerais dans quelques mois. Je tire de cet accident et de cette période de repos imposé, de nombreuses richesses. Évidemment, je perçois la vie un peu différemment. Le soleil a un peu plus d'intensité, le ciel est un peu plus bleu. Les tracas quotidiens sont devenus un peu moins pesant. Ça m'offre l'occasion de réfléchir, de relativiser de nombreuses choses, de prendre du recul. Avec cette pause dans ma quête souterraine, j'en profite pour faire d'autres choses, pour préparer mes futures plongées et mes prochains projets liés au monde souterrain. Et ils sont très nombreux. Enfin, je ne sais pas nous avons neuf vies comme les chats, mais là, si tel est le cas, je viens d'en griller une de plus. Je devrais peut-être faire le comte de celles qu'il me reste ?
Recycleur Latéral
Nous ne saurons probablement jamais qui a eu en premier, la géniale idée de créer un recycleur latéral. Peut importe, me direz vous et sans doute que cette fameuse idée est apparue simultanément dans les esprits avisés de plusieurs plongeurs à travers le monde. Sans doute, une idée, un modèle inabouti et bricolé par un précurseur averti, a permis d’aller un peu plus loin et de donner enfin naissance à un appareil fonctionnel. Si je dois avoir une certitude, c’est bien celle de la motivation, la même à travers le monde, celle de créer un recycleur « idéal » et parfaitement adapté à la plongée souterraine. Bien qu’un certain nombre de recycleurs actuels soient utilisés par les plongeurs souterrains et ceci dans le monde entier, un seul recycleur a été conçu spécifiquement pour aller sous terre, c’est le recycleur latéral. Donc, toute la réflexion, la mise en œuvre et les exemples décrits le sont dans un contexte de plongée souterraine, spécifiquement. Dans la folie humaine du classement, du bien ordonné, il existe deux grandes familles de recycleurs, les circuits fermés et les semi fermés. Pour les sous espèces, je vous laisse le soin de consulter les sites et ouvrages spécialisés, ça n’est pas l’objet du jour. Dans ces deux catégories, il existe trois autres familles, les recylceurs dorsaux (la majorité), les ventraux et les recycleurs latéraux. Et c’est sur ces derniers que nous allons nous attarder pour deux raisons principales. La première tient à ma pratique de la plongée souterraine et ensuite dans mon utilisation « exclusive » du recycleur latéral en plongée souterraine. Je ne parlerais donc que de ce que je connais le mieux. En premier lieu, il ne faut pas confondre le recycleur « tubulaire » avec le recycleur latéral. Même si leur aspect est confondant de ressemblance, l’utilisation n’est pas la même. Des modèles comme le RB80 d’Halcyon n’est prévu qu’en usage dorsal. L’EDO a été parfois utilisé en usage latéral, mais le plus souvent il est utilisé en dorsal. Non, le recycleur latéral a été conçu pour se porter sur le côté et essentiellement de cette manière. En France, une des premières tentatives a été effectué par Christian Thomas. Ensuite nous devons le développement et la mise au point du Joker (SCR) et du Joky (CCR) a Fred Badier et Bernard Glon pour la fabrication (Airtess). Après des années d’essais, de mises au point, de tâtonnement, est né ce recycleur conçu spécifiquement pour la plongée souterraine. Qu’est ce qui le différencie des autres ? Il se porte à droite ou à gauche, rarement dans le dos, mais sur le côté. Que vous plongiez en scaphandre dorsal ou à l’anglaise (avec les blocs sur le côtés), cela ne change pas grand chose. Le recycleur latéral trouve sa place. Sa position idéale devra placer le faux poumon au niveau des poumons du plongeur, pour un confort respiratoire idéal. De nombreux plongeurs souterrains plongent avec des recycleurs « normaux » et ils ne s’en portent pas plus mal. Pourquoi, certains d’entre nous privilégions cet appareil ? Pour ma part, les deux principaux arguments sont sa souplesse d’utilisation, sa modularité, son côté passe partout. Ensuite et enfin, il y a le prix, indéniablement, l’un des recycleurs les moins onéreux du marché. D’une part, il est assez facile de le fabriquer soi même et d’autre part, les petites séries de fabrications artisanales un peu plus chers restent bien en dessous des appareils standards, vendus dans le commerce. De toute façon, aucun autre appareil ne permettrait de réaliser certaines plongées. Pour faire simple, le recycleur latéral est à l’aise partout, dans les grandes et grosses cavités aussi bien que dans les siphons intimes, étroit et touilleux. Avant d’aller plus loin dans les différents cas de figures d’utilisation, nous allons regarder de plus près un modèle de recycleur latéral. Mais d’une manière générale, ils se ressemblent tous, tout du moins dans les grandes lignes. Le modèle retenu est un recycleur à circuit fermé (CCR). Il se décompose en trois parties. La première est la chambre d’injection, partie supérieure et névralgique du recylceur. La seconde est la partie centrale, avec le faux ou les faux poumons. La troisième partie est le cansiter, placé en bas. Trois étages, avec une multitude de variations au niveau des différentes mises en œuvre, mais qui au final respectent le plus souvent ce schéma de base. La chambre d’injection, est un « carrefour » ou les tuyaux annelés (inspiration et expiration) arrivent. Les cellules d’O2 se fixent à l’intérieur et on y trouve aussi l’ADV pour l’injection du diluant. Son accès pour un déclenchement manuel n’est pas forcément évident, mais cela n’est pas gênant. Une inspiration un peu plus forte permet de déclencher l’ADV et d’injecter ainsi du diluant. Enfin, le lecteur de PPO2, se connecte le plus souvent sur une prise, sur la chambre d’injection. L’apport d’O2, ne se fait pas directement dans ce premier étage, bien que le tuyau y passe, mais pour aller jusqu’au faux poumon, où l’O2 est injecté directement dedans. Le second étage est donc composé par un faux poumon, constitué par un sac (inspiration) dans lequel l’oxygène est injecté directement. Sur se sac est vissé une soupape d’expiration, réglable. Un tuyau annelé, permet le passage de l’air expiré jusque dans le canister. Il est possible de remplacer ce tuyau par un sac d’expiration et ainsi de doter le recycleur de deux faux poumons, ce qui tend à améliorer le confort respiratoire. Enfin le dernier étage est composé par le canister avec sa chaux. Au fond est aménagé un piège à eau, qui est le plus souvent complété par un absorbant (éponge découpée où tampon hygiénique). Le canister est de type axial, le gaz expiré par le bas, remonte au travers de la chaux, il est filtré et il ressort dans le faux poumon. La capacité du canister varie selon les modèles et les utilisations. Mais elle sera limitée par les règles (mystérieuses) de la mécanique des fluides et de la physique. Au delà d’une certaine longueur et d’un certain diamètre, il deviendra inutilisable. La moyenne se situe entre 2,5 et 3 kilogramme de chaux. La plus part des connexions entre les différents éléments sont effectuées avec des raccords rapides Dragger, type P Port. Les faux poumons peuvent être réalisés dans différents types de matériaux. A l’heure actuelle, la toile enduite souple est le matériau le plus utilisé. Le faux poumons peut être fait sur mesure ou alors l’utilisation d’une gourde souple, type MSR ou Ortlieb est fréquemment employée. Ces toiles associent souplesse et robustesse, d’autre part la standardisation de ces produits, permet une utilisation d’autant plus simple et aisée. L’un des points primordial pour l’utilisation du recycleur latéral est l’embout, spécifique…! A l’inverse de son cousin dorsal, les deux tuyaux partent et arrivent du même côté. F Badier et Airtess ont inventé et mis au point un embout latéral, à piston. Simple et compact, il permet de connecter les deux tuyaux du même côté et ainsi de s’adapter parfaitement à l’utilisation demandée. Une nouvelle évolution est en train de voir le jour, c’est le développement d’un embout latéral avec BOV. Comme les embouts traditionnels, un second étage de détendeur est « greffé » sur l’embout, ce qui permet d’un seul geste de repasser en circuit ouvert en cas de besoin, où même d’injecter du diluant dans la boucle facilement. La PPO2 est contrôlée à l’aide de deux cellules dans la plus part des cas. Certains ajoutent une troisième cellules, notamment pour l’utilisation d’un ordinateur connecté au recycleur. La lecture s’effectue sur un afficheur, avec ou sans HUD, selon les modèles et les fabricants. Là encore, il est possible d’utiliser presque tous les types d’afficheurs du marché actuel, seule la connexion au recyleur devra être compatible. La calibration des cellules s’effectuera selon les différents modes opératoires des appareils. L’injection d’Oxygène se fait à l’aide d’une vanne type Kiss ou Hydrogom, donc d’une manière automatique et mécanique, calibré selon le débit de la buse. En cas de besoin, une pression sur l’injecteur et le plongeur augmente la quantité d’oxygène dans la boucle. Il est possible d’employer des vannes micrométriques afin de régler le débit de l’oxygène lors de la plongée et selon les différentes profondeurs atteintes. Pour l’injection de diluant, elle se fait donc via un second étage qui se déclenche sur inspiration ou dépression du sac. L’ADV est soit situé dans la première chambre, mais il peut aussi être positionné sur le poumon dans la partie centrale du recylceur. Pour ma part, j’ai ajouté une vanne ¼ de tour sur le flexible d’injection de diluant. Cela permet un contrôle immédiat de celui-ci lors de la plongée. En position fermé, cela évite un apport de diluant à la descente et dans les premiers mètres, justement là où il est important de faire monter le PPO2. En cas de débit continu de l’ADV cela permettrait d’arrêter immédiatement l’arrivée du diluant. Sur les nombreux modèles fabriqués par les utilisateurs eux mêmes, les « home-made », où sur l’évolution du Joky par exemple, le mini Joky, la chambre n°1, la chambre d’injection disparaît. Cela permet de réduire l’encombrement du recycleur, il devient moins long. Une simple flasque capote l’appareil et elle sert de connexion entre les différentes pièces. Maintenant que nous connaissons un peu mieux le fonctionnement du recycleur latéral, nous pouvons passer en revue les différents principe d’accrochage et de mise en œuvre de l’appareil. Nous allons commencer par l’exception, assez rare, la position dorsale. Monté sur un châssis ou à l’aide de fixations rapides, avec son bloc de diluant et d’oxygène de part et d’autre, il fonctionne alors comme un recycleur classique. Cela reste une exception car l’acquisition de ce type d’appareil n’est pas motivé par le positionnement traditionnel. Néanmoins, cela reste possible est d’une utilisation confortable. La configuration « normale » est donc de placer le recycleur en position latérale « arrière », juste au dessus du bras, sur le côté. Il est maintenu en bas par un sangle qui passe autour de la cuisse ou par un mousqueton accroché sur le harnais. En partie haute, il est fixé par par une sangle et un mousqueton sur le harnais, au niveau du torse. La sangle passe sous le bras. Les tuyaux annelés passent au dessus de l’épaule, le lestage des tuyau est indispensable. L’afficheur de PPO2 est le plus souvent fixé sur l’avant bras. C’est au niveau de l’organisation et de la gestion des bouteilles que des différences apparaissent. Certains plongent avec un bi dorsal (de diluant) et emportent une petite bouteille d’oxygène, portée en relais pour la connexion au recycleur. C’est la configuration classique du plongeur spéléo ou du plongeur tek, avec un recycleur en plus. Dans certains cas, c’est intéressant, dans d’autres moins. La présence des seconds étages autour du cou complique et encombre le plongeur. Cela apporte confusion et embarras. La suppression des seconds étages est une étape importante dans l’évolution. Ils seront remplacés par des flexibles à raccords rapide. Cela permet de raccorder tous les blocs au recycleur, soit pour changer la nature du diluant, soit en cas de défaillance éventuelle d’un détendeur. Cela permet aussi de clamper un second étage, adapté spécifiquement avec un raccord rapide. Un seul second étage, pour toutes les bouteilles, cela offre l’avantage de la simplification et d’un encombrement moindre. La seconde solution est de prendre uniquement une bouteille de diluant et une bouteille d’Oxygène (4 ou 6 litres), en dorsal et d’emporter un bloc de secours, le fameux « bilout » en cas de défaillance du recycleur. Le volume et la quantité des bouteilles de secours varient selon la distance, le profondeur et les paliers à effectuer, en circuit ouvert. En configuration à l’anglaise ou en latéral, c’est à dire avec les bouteilles fixées sur le côté du plongeur. Le fameux « sidemoun t », ces deux cas de figures sont les mêmes. Deux bouteilles de diluant ou une de diluant et une d’oxy sur le côté, avec un bloc de secours. Le recycleur lui trouvera sa place au même endroit. Pour ma part c’est cette configuration que j’utilise le plus. Les cavités explorées et fréquentées depuis des années ne permettent le passage d’un plongeur qu’avec les blocs sur le côté. Par la force des choses, c’est devenu un petit peu ma spécificité, ma spécialité. Quand bien même dans les cavités larges et spacieuses, je finis quand même par plonger à « l’anglaise ». D’une certaine manière, c’est la configuration qui permet de passer partout. Les siphons peuvent vous laisser croire à un début « royal », spacieux et assez vite vous barrer la route avec une étroiture infranchissable en scaphandre dorsal. En configuration latérale complète (bouteilles et recycleur) presque rien ne vous arrête…! Vous passer presque partout et surtout là où les configuration dorsale ne le permettent pas. Même si certains recycleurs dorsaux restent d’un encombrement raisonnable, il est impossible de passer dans de nombreuses cavités. Et parfois même en configuration latéral complète, le plongeur peut se retrouver face un passage trop étroit. Il est alors possible de décapeler le recycleur et de le pousser devant soi, tout en respirant dessus. La position de l’appareil est primordial, dans la mesure du possible il devra être positionné au dessus du plongeur, sous peine d’avoir le syndrome du hamster, c’est à dire, une surpression importante avec tous les gaz qui remontent naturellement vers le point le plus haut. En cas d’étroiture encore plus sévère, il est possible d’abandonner le recycleur et de passer en circuit ouvert pour franchir le passage étroit. Là encore, il est possible de décrocher le bas des bouteilles et de les pousser devant pour être encore plus fin. Mais là, nous rentrons de pleins pieds dans les plongées d’explorations, nettement plus « engagées » que la plongée (souterraine) loisir. Pour finir, il est possible, assez facilement, de plonger avec deux recycleurs, en latéral. Peu d’appareil permettent une telle configuration. Pas facile de partir avec les dorsaux, sauf aménagements et modifications spécifiques. L’utilisation d’un second recycleur en solution de secours est un gage de sécurité et de tranquillité considérable. A plusieurs niveaux. Le premier au niveau de la logistique, pas besoin, d’emporter une quantité considérable de bouteilles de sécurité. Autant pousser la logique jusqu’au bout et aborder la redondance en recycleur et non pas en circuit ouvert. Ce qui n’empêche pas d’emporter avec soi, une bouteille de sécurité, le temps de passer d’un recycleur à l’autre. Dans le cas du double recycleur, un de chaque côté, il est impératif de doubler complétement le système, soit deux blocs de diluant et deux blocs d’oxygène. Je vous l’accorde, cela commence à faire beaucoup et à redevenir un peu plus encombrant. Mais ça le sera toujours moins que les configurations lourdes, avec des dizaines de bouteilles relais et de sécurité utilisées lors des dernières grandes explorations souterraines en circuit ouvert. Dans ce cas de figure, (double recycleur latéral), un bi dorsal (6 ou 9 litres) de diluant, les deux recycleurs positionné de part et d’autre, deux bouteilles d’oxygène (4 litres) soit fixées sur le bis dorsal, soit fixées devant en relais et le tour est joué. Cette configuration n’est valable que dans les cavités spacieuses, avec utilisation d’un propulseur de préférence. L’hydrodynamisme en prend un coup quand même. Mais elle permet donc de rester dans une logique de sécurité optimale, notamment au niveau de la décompression. Car en cas de défaillance d’un recycleur le passage en circuit ouvert a une incidence énorme sur les temps de décompression et sur la gestion des paliers. Passer d’une PPO2 constante (avantage du CCR) à un système de mutigaz, quelques nitrox ou trimix est excessivement pénalisant et défavorable pour la décompression. Les temps de paliers vont se démultiplier, on va passer du simple au triple, sans parler de l’incidence forte sur le moral du plongeur. Certains plongeurs utilisent un recycleur dorsal classique comme recycleur principal et emportent un recycleur latéral pour assurer leur sécurité et redondance en cas de défaillance. L’utilisation et le mode opératoire reste le même que décrit précédemment. La légèreté du recycleur latéral en fait aussi un très bon outil pour les explorations typiquement spéléo, soit en fond de trou soit en multisiphons. Il est facilement transportable, sa légèreté rend sa manipulation plus facile. D’une conception simple et « rustique », il supporte assez bien les conditions difficiles rencontrées parfois sous terre. Pour exemple, je peux évoquer l’exploration de la grotte de la Sexagésime, dans la Drôme, une plongée typiquement spéléo, avec une progression souterraine étroite, puis très boueuse. Un premier siphon ressemblant plus à un cloaque qu’à autre chose et ensuite, le « paradis ». Une grotte magnifique et des siphons limpides et très beau. Les dernières plongées ont été réalisées grâce à l’emploi d’un recycleur latéral, seul appareil transportable et utilisable dans ces conditions. Nous sommes plusieurs à utiliser le principe du recycleur latéral pour explorer les rivières souterraines. Le plus souvent, il s’agit de plongées longues aussi bien en temps qu’en distance, parfois profondes et très profondes, où dans des conditions difficiles, étroitures et faibles visibilités. Le plus souvent, ces explorations ne pouvaient être réalisé qu’en recycleur latéral, notamment pour les cavités étroites. Pour ma part, l’exploration de la grotte de Corveissiat (1700 m dont 1200 noyés, 12 siphons), dans l’Ain n’a été possible que par l’utilisation d’une configuration latérale et l’emploi du recycleur. Plusieurs étroitures et un siphon très intime imposent une sélection « naturelle » tant au niveau du matériel que des plongeurs. Il en a été de même pour la source de Marchepieds (3 siphons, 1200 m dont une bonne partie du troisième siphon dans la zone des 57 mètres, puis une descente à – 73) où l’entrée très étroite n’est possible qu’en configuration latérale. Même configuration utilisée par Rick Stanton pour prolonger l’exploration du troisième siphon et d’atteindre une trémie remontante.