Rivière Blanche dite aussi rivière des Robots
Topographies
La rivière blanche dite Rivière des Robots.
Situation La carrière de Caummont s'ouvre sur les bords de Seine, dans le bas Caumont, le long de la route départementale 93. L'accès de la carrière se situe après la ligne haute tension et les pylônes. Historique En 1955 et 1956, le S.C.Rouen et Corentin Queffelec explorent la cavité. Le terminus (une voûte mouillante) est franchi en 1963 par le S.C.Seine qui bute dans la dixième salle sur un siphon terminal. De 1976 à 1978, l'équipe des Plongeurs Spéléologues de Paris, en collaboration avec le Spéléo-Club du Havre, plonge les siphons et progresse de 630m. Xavier Goyet a plongée et sortie le 7 éme siphon dans les années 80. En 1990, Patrick Bernard a porté le développement noyé à 970 mètres en plongeant un 8 éme et un 9 éme siphon pour ressortir devant une galerie étroite au bout de laquelle il butte sur une diaclase haute et étroite, encombrée de blocs instables. Entre 2010 et 2012, une partie de l'équipe Bulles Maniacs, accompagnée de Joel Enndewell et de plongeurs d'Ile de France prolongent l'exploration. Pe Deseigne découvre explore et topographie un peu plus de 250 mètres de galeries exondées. Il butte sur un dixième siphon qui s'ouvre aux pieds d'un gros cône d'effondrement. Le terminus du réseau, à partir de l'entrée de la carrière serait d'environ 2500 mètres. Description Au fond d'une galerie artificielle creusée au x éme siècle se situe la rivière blanche dite des Robots. Elle est constituée d'un boyau variant de 2 à 0,50 m de haut sur une longueur d'environ 1 km au trois quarts à demi-noyée et entrecoupée de diaclases qui permirent la formation de nombreuses salles (hauteur 6 m, largeur 5 m, longueur 15 à 20 m). Environ 550 m de l'entrée de la rivière, une diaclase siphonne. La galerie est assez intime, elle franchit à plusieurs reprises des cloches ou des salles avec une partie aérienne. A l'aller l'eau est limpide, la visibilité bleutée et le spectacle féerique. Nous plongeons dans la craie. Au retour, la visibilité est nulle ce qui offre un retour assez monotone et un poil longuet. Plusieurs passages assez étroits dans le S5 et le S7. Siphon n° 1 : 67 m - Profondeur 3 m Inter siphon : 26 avec un petit ramping sympa dans la trémie. Siphon n° 2 : 170 m - Profondeur 6 m Inter siphon : 30 m Siphon n° 3 : 110 m - Profondeur 9 m Inter siphon : 22 m Siphon n° 4 : 219 m - Profondeur 9 m Inter siphon : 22 m Siphon n° 5 : 27 m - Profondeur 10 m Inter siphon : 24 Siphon n° 6 : 49 m - Profondeur 10 m Inter siphon : 51 m Siphon n° 7 : 100 m Inter siphon : 30 Siphon n° 8 : 170 m Inter siphon : 5 m Siphon n° 9 : 70 m La sortie du S9 donne sur une galerie très basse, dont le sol est hérissé de moignons de silex concrétionés, tranchants comme des rasoirs. Après une progression à 4 pattes, on peut se relever. Un passage verticale qu'il a fallu un peu élargir permet de se faufiler dans des concrétions. On ressort ensuite dans une grande salle dont le plafond s'est effondré. Le sol est jonché de grosses concrétions brisées. A l'opposée de la salle une galerie partiellement inondée s'ouvre et donne accès à la suite du réseau. Elle traverse une série de 3 salles et elle se prolonge pour finir en cul de sac. Dans l'avant dernière salle, la quatrième donc, un passage bas donne accès la dernière salle. Un siphon qui semble pénétrable s'ouvre aux pieds du cône d'effondrement. Bibliographie - Rodet J. (1992). La craie et ses karsts. Eds. CNEK et Groupe-Seine, CNRS, 560 p. [isbn 2-9506258-0-0]. - Les Grandes Cavités Françaises. Claude Chabert. FFS. Page 54. Rivière Souterraine des Robots. - URSUS N° 11 (1990) Bulletin de la Spéléologie en Seine Maritime (ISSN 0761-7569), Jean-Claude STAIGRE (CNEK). Page 12.
La rivière des pénitents.
Si un classement des lieux atypiques était dressé, celui là pourrait figurer en haut du tableau. Encore une fois, loin des grandes zones karstiques, une rivière souterraine appelée rivière Blanche, puis plus tard rivière des Robots s'ouvrent en bords de Seine, presque en face de Rouen. Blanche, elle le doit à la couleur de sa roche, de la craie, dans laquelle des moignons de silex viennent décorer les parois. Les Robots, datent d'une époque plus récente où des spéléologues normands entreprirent de vider en grande partie la galerie des sédiments qui l'encombraient. Ils travaillèrent comme des « robots », avec acharnement et ils réussirent à rendre le parcours presque agréable. Pour les Pénitents, ceci est juste mon appréciation personnelle. Mais disons, que la progression dans la rivière, avant d'atteindre le premier siphon, avec le matériel de plongée, les bouteilles, ressemble à s'y méprendre à une pénitence. Le corps souffre, cassé en deux, plié, à quatre pattes, le plongeur spéléo ressemble à cet instant aux Pénitents, s'infligeant des souffrances afin d'expier leurs péchés. L'analogie s'arrêtera là, car il y a bien longtemps que j'ai délaissé tout le Saint Saint-frusquin. Il serait aussi possible de rapprocher cela du sado masochisme, mais non, il s'agit juste de spéléologie et de plongée souterraine. L'accès à la cavité est lui aussi incroyable, pas de vasque, pas de causse ou de vallée encaissée. La vallée de la Seine, certes. Mais surtout les grandes carrières de Caumont creusées depuis des siècles par l'homme pour extraire la pierre et au fond desquelles s'ouvre la rivière souterraine, la cavité naturelle. L'entrée par le porche monumental de la carrière impressionne à chaque fois et immanquablement, on se demande si tout ça va tenir. Car l'épaisseur de roche est importante et les piliers pourtant gigantesques semblent bien petits au regard des vides et de la masse reposant dessus. D'ailleurs, les effondrements sont fréquents et toujours inquiétants. Si vous parvenez à ne pas vous perdre dans ce labyrinthe titanesque, vous découvrez une sorte de trou de souris, surtout après avoir déambulé dans ces salles immenses, entre dix et quinze mètres de haut. Nous retrouvons notre monde, à notre échelle, une galerie intime, avec un peu d'eau qui coule au fond. Au début tout se passe bien et c'est tout fringant que l'on parcourt les premiers mètres, tout content de se retrouver ici. Mais assez rapidement, les grands commencent à se baisser et les enfants à rigoler. On se plie de plus en plus, pour finir accroupi, à quatre pattes, à ramper, à se relever dans les rares « salles » ou cheminées. Endroits salutaires où l'on fait craquer les os, où l'on s'étire avant de repartir dans l'enfer. Le sol est aujourd'hui presque propre, nettoyé des tonnes de sédiments qui rendaient la progression insoutenable. Presque une promenade de santé pour ceux qui avaient fréquentés les lieux avant. Néanmoins les silex sortent du sol et ils martyrisent les rotules qui tout le long de la semaine suivante vous rappelleront à quel point elles n'ont pas aimé le traitement infligé. Enfin, après un temps qui semble interminable, c'est à dire quarante minutes à vide et une heure trente un peu chargé, voir deux heures très chargé, on arrive enfin au premier siphon. Pas très long dans le fond, un demi kilomètre, mais l'intensité de l'effort démultiplie l'effet des nuisances. Les copains se font rares lorsqu'on évoque une envie de plonger à Caumont. S'infliger ça et attendre plusieurs heures en se gelant les miches, le retour d'un pauvre mec qui va s'éclater dans les eaux limpides et bleues a de quoi refroidir les élans de générosité. Après c'est dur mais moins que cette première partie. Une fois dans l'eau, c'est la délivrance. On oublie tout ou presque. L'eau est limpide, la roche magnifique, si blanche avec ces éclats de silex noir. Elle va se troubler car la craie est excessivement volatile, mais avec une bonne flottabilité et un très bon palmage de grenouille, le retour sera moins idyllique mais pas totalement en aveugle. Ensuite, les siphons s'enchaînent et les salles plus ou moins grandes, plus ou moins pénibles alternent et vous rappellent les lois de la gravité, des fois que vous les auriez oubliées dans l'eau. Là encore, c'est chouette, c'est varié. Ramping dans une trémie en poussant ou tirant les blocs. Boue jusqu'à la cuisse, chaos de blocs instables, un programme chargé. La première fois, je suis venus avec les enfants, les mains dans les poches, en touriste. Une petite ballade sympathique, forcément. La seconde fois, je suis revenu mais avec une super équipe motivé et gonflé à bloc. Les copains sont géniaux, surtout quand ils vous portent les blocs de plongées. Pas que pour ça, évidemment mais là, sous terre, c'est encore meilleur... ! Lors de cette première incursion sérieuse, le terminus était atteint à la sortie du neuvième siphon. Comme beaucoup de terminus, il était en principe définitif, suite impénétrable, etc... ! Mais juste en face, une petite, toute petite galerie s'enfonçait sous terre, pas bien large. Je laissais tout le matériel et à quatre pattes sur des moignons de silex concrétionnés et tranchants comme du verre pilé, j'avançais vers l'inconnu. Après une vingtaine de mètre je pouvais me relever et apercevoir au dessus de moi, à travers des grosses coulées de calcite, un vide noir (et prometteur). J'élargissais un peu le passage, juste de quoi passer la tête (sans le casque), un bras, puis une épaule, puis l'autre épaule et enfin l'autre bras. Je ressortais dans une grande salle exondée. Le silence était impressionnant, le sol recouvert de concrétions effondrées. En effet, tout était cassé, sans suite à un mouvement « tectonique », les concrétions ont du tomber. Au bout de la salle sur la droite, une jolie galerie de trois mètres de diamètre environ continuait à s'enfoncer dans la roche. Premier humain à découvrir ce vide, je jubilais.. ! Trop raisonnable, je décidais de faire demi tour afin de respecter le timing et de ne pas être en retard à l'heure du rendez vous à la sortie du S1. Mais ça continuait et de belle manière. Alors évidemment, nous y sommes retournés et là je suis allé au bout, j'ai découvert plusieurs salles, d'autres galeries. Je fouillais partout, au delà du raisonnable, rampant le plus loin possible dans le moindre recoin. Mais à chaque fois, je buttais sur un mur, un cul de sac. Dans la cinquième et dernière salle, je m’arrêtais devant un modeste siphon partiellement encombré aux pieds d'un cône d'effondrement. Voilà, s'il doit y avoir une suite, ça sera ici. Je levais la topographie des salles et des galeries. Le point le plus éloigné exploré se situe à environ 2400 mètres de la lumière du jour. Pas forcément besoin de traverser les continents pour effectuer un grand voyage, une grande aventure souterraine. Même si ça n'est pas la Lune, on se sent assez loin, tout seul sous une masse de roche conséquente, à plusieurs heures de la sortie et des copains. Après, j'y suis retourné seul, une première fois pour porter mon équipement et mes blocs au départ du premier siphon. Une seconde fois pour plonger le siphon de l'espoir ou de l'avenir. Mais là, pas loin du but pourtant, j'ai abandonné, épuisé. Trop gourmand sans doute pour ce solo intégral, j'avais emporté des bouteilles de 6 litres acier. Des 4 litres aurait largement suffit et ma gourmandise aura eu raison de mes forces. On a plus vingt ans et c'est à environ cent mètres du départ du siphon que je renonçais, voulant garder un peu de jus pour le retour que je sentais compliqué. Erreur tactique, mauvais choix matériel, pas pris assez de boissons, j'étais vidé, sec aussi bien physiquement que moralement. Je n'avais jamais été aussi prêt du but et je renonçais. Un peu comme un alpiniste qui voit le sommet mais qui ne l'atteindra jamais car les cent derniers mètres, si « petits » soient ils sont les plus durs et qu'ils comptent double, triple ou plus encore. Je crevais de chaud et de soif à tirer ces fichus blocs qui pesaient des tonnes. Et il y avait tout le retour. J'ai bien songé à les abandonner ici et à revenir une autre fois pour plonger. Mais je n'avais plus la motivation à cet instant, pour tout ressortir et pour une fois encore tout recommencer. A chaque fois, c'est la même chose, je jure qu'on ne m'y reprendra plus et pourtant, je vais essayer encore une fois, en recycleur, pour plus de légèreté. Après un nouveau portage solitaire, toujours aussi pénible, j'arrivais au départ du premier siphon. Et là, au moment de partir, une défaillance majeure sur la machine rendait son utilisation impossible. J'avais pourtant tout vérifier, presque tout. Je me serais donné des coups de pieds au cul mais je ne suis pas assez souple. Je plongeais en ouvert, dégoûté, juste pour faire des images, afin de ne pas être venu pour rien. Mais ce coup là, c'était le coup de grâce et depuis, régulièrement je me dis que j'y retournerais bien, qu'un siphon vierge attend ma venue, que c'est bien tentant. J'y pense et puis j'oublie... ! Exploration 2016