Source de l'orbiquet
Topographie
Source de l'Orbiquet
Situation : Émergence de l'Orbiquet. Commune de la Folletière Abenon dans le Calvados pour l'entrée et ensuite dans l'Eure pour une bonne partie du parcours souterrain. La roche serait de la craie cénomanienne. Le débit moyen est de 450 litres/seconde et le débit maxi serait de 1000 litres/seconde. Historique : 1972 – Désobstruction de l'entrée et exploration des 50 premiers mètres par Patrick le Calvez et Christian Simon. 1977 – Le PSP avec Joël Enndewell explore jusqu'à 410m. Les frères Le Guen ou juste Francis sortent une topo. 1991 – Reprise des explorations par le B.R.E.N. (Boue Rocher Eau Neige des Andelys). Christophe Derone atteint 500m dans un passage très étroit. 1992 - Rééquipement et topographie du siphon. Découverte de la galerie gauche à 450 m de l'entrée et progression jusqu'à l'étroiture de 490 m. 1993 – C Derone et Laurent Pouget ouvrent l'étroiture, la franchissent et continue jusqu'à 610 m. 1998 - Christophe Derone atteint 700m. 1999 - C.Derone et L. Pouget, atteignent 790m et ils sortent dans une salle. Ils s'arrêtent devant un départ étroit et obstrué par un éboulis. 2011 - Pe Deseigne reprend seul l'exploration. Désobstruction de la trémie et éboulis de roches. Nouveau terminus à 830 m de l'entrée. 2012 - Franchissement du quatrième siphon après une longue séance de désobstruction pour dégager le passage en poussant une dalle rocheuse de quelques centimètres. Franchissement en tirant les blocs. Sortie dans une salle et plongée du cinquième siphon sur 40 mètres. Arrêt sur « rien » à 890 mètres de l'entrée. 2014 – Arrêt dans le S11 à 1030 mètres de l'entrée. 2015 – C Depin prolonge de quelques dizaines de mètres. PE Deseigne s'arrête dans la salle n°10 sur un éboulis massif à environ 1157 mètres de l'entrée. 2016 – Christophe Depin prolonge l'exploration en passant par une galerie très boueuse aérienne, il plonge un nouveau siphon, ressort dans une galerie et replonge dans un nouveau siphon pour s'arrêter ensuite sur un éboulis important. Développement. Donc aujourd'hui elle s'étire sur plus de 1157 mètres. Elle compte 12 siphons et plus de mille mètres de galeries noyées. S1 – 60 m / - 3 m Salle 1 – 10 m S2 – 670 m / - 9 m Salle 2 – 20 m S3 – 15 m / - 1 m Salle 3 – 15 m (Ancien Terminus avec trémie désobstruée) S4 – 19 m / - 2,5 m Salle 4 – 3 m (Salle instable avec trémie instable) S5 – 23 m / - 1,3 m Salle 5 – 4 m S6 – 138 m / - 2,7 m Salle 6 – 5 m S7 – 10 m / - 1,8 m Salle 7 – 10 m S8 – 40 m / - 1,6 m Salle 8 – 20 m S9 – 55 m / - 1,5 m Salle 9 – 10 m S10 – 25 m / - 1,3 m Salle 1 – 15 m (Nouveau terminus dans salle d'effondrement sur éboulis massif) et départ sur la gauche d'une galerie aérienne S11 Galerie S12
Plongées normandes
Lorsque l'on parle de spéléologie et de plongée souterraine, on pense plus souvent au Lot, au Vercors, au Jura, à l'Ardèche. La Normandie n'est définitivement pas une grande zone karstique et pourtant, il existe une petite grande source ou à moins que ça ne soit l'inverse, une grande petite source. Perdue au beau milieu du bocage Normand, elle attire l'attention des plongeurs spéléos normands et parisiens et ceci depuis de nombreuses années. Elle ne paye pas vraiment de mine, ça n'est pas Fontaine du Vaucluse ou le Ressel, ni Port Miou ou Cabouy. Mais pourtant, il s'agit d'une authentique émergence, une véritable rivière souterraine qui serpente sous les pâturages. Longtemps classée dans la catégorie des trous de chiotte, elle n'était fréquenté que par une poignée de plongeurs peu effrayé par des conditions de plongées réputées difficiles. Entrée étroite, visibilité moyenne voir nulle au retour. Mais à l'époque on ne soignait pas particulièrement sa flottabilité ni son palmage, les retours se faisaient le plus souvent dans la touille. Aujourd'hui, il n'est par rare, de croiser cinq ou six plongeurs spéléos venus célébrer le rituel dominical dans cette la source de l'Orbiquet. Pour un peu, elle deviendrait presque une classique, modeste, mais incontournable des plongeurs du « Nord » de la France. A force d'y tremper ses palmes, on finit même par apprécier ses charmes et ses qualités, voir à en oublier ses défauts. Elle en a quelques uns mais avec les yeux de l'amour, nous finissons par perdre un peu de notre objectivité. Certes, il y a des étroitures, un courant marqué, voir violent, une roche très friable, une visibilité pas toujours cristalline, des retours parfois opaques selon la qualité de palmage. Mais il y a aussi de jolies salles noyées, de beaux passages, une alternance de paysages et de roches. Car elle change de physionomie à plusieurs reprises et pour celui qui a le courage ou l'entêtement d'aller loin, il découvrira un parcours sinueux, avec une roche changeante, tant que pour sa couleur, sa qualité que pour ses formes. Après la première grande période d'exploration du PSP qui défleura les quatre cent premiers mètres de galerie, la source retrouva son calme habituel. Les plongeurs normands du BREN trouvèrent une suite et avec acharnement, voir avec entêtement, ils poussèrent jusqu'à plus de sept cent mètres de l'entrée, s'arrêtant dans une salle et sur un éboulis de roches qu'ils jugèrent infranchissable. Et en effet il l'était et tout le monde tint pour évident que l'exploration de la source était définitivement terminée. A nouveau, le calme revint pendant des années, à peine perturbé par des visites épisodiques. Certains sentirent tout de même qu'un futur était possible aux pieds de l'amas de roches et de graviers de la salle terminale. Ils commencèrent à gratter mais gentiment, s'arrêtant trop tôt. Et c'est tant mieux car ils laissèrent aux «ex générations futures » un peu de première. Après une première visite au terminus, pour voir, j'ai bien senti qu'avec un peu de « désob » ça pourrait peut être le faire. J'ai donc sorti la pelle américaine du coffre, la masse, le burin et après une longue séance de déblayage, j'ai ouvert un passage, modeste et très intime dans un premier temps, beaucoup plus généreusement aujourd'hui. Derrière, ça n'était pas un boulevard mais pas loin, mais surtout une galerie vierge. Largement de quoi faire rêver et me remplir de joie et de bonheur. Mais les choses ne vont jamais comme on le souhaite. Il faut toujours qu'un truc viennent vous casser les pieds, chambouler vos plans. Un siphon plus loin, un autre éboulis arrêtait net mon élan dans une vilaine petite salle qui allait me donner des cauchemars, des insomnies et des sueurs froides. Une saleté de salle dont le plafond et les parois dégringolent au point de remplir la galerie d'accès. Une évolution rapide où à chaque visite des tombereaux de terre fraîche et de roches s'entassent un peu plus sur la trémie initiale et dans le siphon, recouvrant même le fil posé la première fois. Vous imaginez sans peine l'impression ressentie par le plongeur lorsqu'il retrouve son fil sous les cailloux absents lors de la plongée précédente. Sans parler de cette fichue trémie qui vibre, qui ondule lors de votre franchissement et que vous sentez vivre sous votre poids. Lors de ma seconde visite à ce nouveau terminus, j'ai fini par déplacer un gros bloc, de quelques centimètres afin de me faufiler, les bouteilles tenues dans une main et le dévidoir dans l'autre. Derrière, c'était presque le Nirvana, d'autres salles, d'autres siphons, une galerie annexe avalante qui doit communiquer avec la bifurcation des 400 mètres. Un nouvel arrêt sur rien au départ d'un nouveau siphon. Fou de joie... ! Car depuis un moment la galerie a changé complètement de physionomie et de taille. Elle est devenue spacieuse, plus rien à voir avec le petit conduit sinueux. J'ai l'impression d'évoluer dans le « collecteur principal », c'est grand, c'est large, c'est clair, pour un peu on se croirait presque dans le Lot. Bien évidemment, le retour est beaucoup moins idyllique, surtout à cause du franchissement de la trémie instable. Après cette plongée, effrayé par la perspective de rester coincé de l'autre côté, par le danger réel de trouver, au retour un mur infranchissable, j'ai renoncé à plusieurs reprises. Pourtant, tel un drogué en manque, je préparais tout le matériel, je chargeais la voiture, je mettais le réveil à cinq heures du matin et j'étais « chaud bouillant » pour continuer. Mais incapable de dormir, harcelé par la peur de se retrouver emmurer derrière un éboulement massif, je renonçais au petit matin. A plusieurs reprises et ceci pendant un peu plus de deux ans, j'effectuais des visites prudentes dans cette salle « du ciel qui va nous tomber sur la tête » pour constater l'évolution. Après une accalmie apparente, je décidais enfin d'y retourner et d'en mettre un coup. Une fois derrière autant y aller pour de bon. Mais la ferveur ne dura pas longtemps et à nouveau je levais le pieds, trop stressé par ce plafond instable et ces gros cailloux menaçant. Je mettais à profit cette trêve pour poser un nouveau fil car l'ancien commençait à partir en morceaux, tout du moins dans la seconde partie de la cavité, la partie la plus étroite. Une fois le nettoyage effectué, je m'attelais à la topographie qui n'avait été réalisée que partiellement. Pour ces plongées studieuses et laborieuses, j'utilisais un recycleur, ventral dans un premier temps, puis latéral dans un second temps, plus adapté finalement à ce type de plongée, assez intimes. Après avoir levé l'ensemble de la topographie et reporté toutes ces données sur un joli dessin, je commençais à songer à la suite et à préparer la prochaine pointe. Entre temps, sans doute attiré par la perspective d'une « première » abordable, par la curiosité, titillée par mon « hyper communication », Christophe Depin, dépassa mon terminus de quelques dizaines de mètres. Piqué au vif et bien décidé à profiter de tant d'années d'efforts et de patience, la semaine suivante, gonflé à bloc, je partais avec pour seul objectif de ressortir avec tout les dévidoirs vides. Et toujours ambitieux, j'emportais de quoi plonger de nombreuses heures, en recycleur latéral et ainsi d'explorer plusieurs centaines de mètres de galeries. La première partie de la source est assez large pour évoluer en propulseur. Mais bon, il faut bien viser quand même et soigner ses trajectoire. Les cervicales se souviennent encore de quelques erreurs d'appréciation. Ensuite, le reste se fait à la palme, ou à la main. En effet le courant est si fort, voir si violent qu'il est souvent nécessaire de se tracter avec les bras pour avancer. La section de la galerie diminuant notablement dans la seconde partie, il devient parfois très difficile de progresser. Comme à chaque fois, les retrouvailles avec le bout du fil sont toujours un moment de forte émotion. Sortir le dévidoir, raccorder la ligne et avancer dans la galerie, le rêve.. ! Mais trop rapidement à mon goût, la galerie recommença a devenir intime, finit le mini « tunnel » de métro. Après avoir découvert une petite galerie exondée dans une cloche je sortais à grande peine dans une salle encombrée par un éboulis « monstrueux ». Tout d'abord, le courant était si fort qu'il manqua d'arracher l'embout de mon recycleur. Ensuite, la force du courant rendait la sortie de l'eau très compliquée. L'endroit très exigu laissait peu de place pour se poser, je fixais le fil avec difficulté et j'enlevais laborieusement le recycleur. La visite de la petite salle fut de courte durée. L’éboulis bouchait tous les passages et une couche de terre fraîche, épaisse de presque deux mètres recouvrait le tout. Des racines, sortaient encore de la terre, témoignant sans doute du peu d’ancienneté de l'éboulement... ! Gloups.. ! Cela correspondrait sans doute avec le témoignage d'un villageois qui a vu l'eau se troubler en pleine « sécheresse » estivale durant plusieurs jours. Oui, c'est ça, ça bouge au fond de l'Orbiquet... ! Voilà, pour le coup, ça s'arrête vraiment ici. Tout du moins pour cette partie, car la petite galerie exondée aperçue dans la cloche, donne accès à un modeste siphon. Tout est fortement envasé mais, il reste un petit espoir de ce côté là. Pour ma part, je jette l'éponge, ça bouge vraiment trop par ici et le souvenir de la Dragonière de Gau hante encore nos esprits. Demi tour, tendu et déçu de ne pas prolonger plus loin. Mais bon, dans le fond, une jolie petite exploration avec un arrêt à plus de 1100 mètres de l'entrée et avec environ 400 mètres de nouvelles galeries explorées. Pas si mal pour un trou de chiotte, une cavité donnée comme « finie ». La topographie est levée au retour et je suis soulagé uniquement après le franchissement des deux trémies et de leurs épées de Damoclès suspendues au dessus. A chaque fois, j'ai à peu près l'impression de jouer à la roulette Russe. Bien évidemment la tentation de retourner dans la petite galerie est grande mais je crois que pour la première fois j'abandonne non pas par lassitude ou par difficulté mais par prudence. Le risque d'effondrement massif pendant la présence du plongeur est sans doute assez faible mais trop important pour un plongeur souterrain normalement constitué. Il est rare d'observer une cavité vivre à l'échelle de temps humaine. A de nombreuses reprises, c'était « p'tête ben qu'oui, p'tête ben qu'non », aujourd'hui c'est tout simplement non. Mais c'est sans regret tant les quelques mètres découverts m'auront rempli de joie et de bonheur.
Exploration Avril 2012
Aujourd'hui, je suis retourné voir si tout compte fait, mon terminus à la source de l'Orbiquet, dans le Calvados ne pourrait pas être franchi. Je ne m'avoue pas vaincu aussi facilement et l'envie de plonger était vraiment trop forte. La pluie était au rendez vous et le courant aussi, comme à chaque fois dans cette petite résurgence normande. Une plongée dans la craie et un départ dans les champs ou presque. La Normandie est bien verte, à n'en pas douter, il pleut comme vache qui pisse... ! Un temps de grenouille. J'ai des origines Normandes, la pluie je trouve ça jolie, surtout à la surface de l'eau. Comme à chaque fois la progression est sportive face à un courant à décorner un Viking. Dès que je m'arrête de palmer, je recule. Je m'aide des mains, des pieds, des palmes pour avancer sans m'essoufler. Je commence à avoir sérieusement chaud, d'autant plus que j'ai enfin trouvé le trou qui transformait ma combinaison en aquarium. Bien au sec dans mon étanche, une fois n'est pas coutume, j'en viendrais presque à regretter de ne pas être mouillé. Non quand même pas.... ! Après 80 minutes de progression, je parviens au terminus, devant le S4, à 830 mètres de l'entrée. J'ai pris mon temps, un peu d'entretien de fil, des photos, des bouts de films. Le courant jaillit des deux orifices laissés par l'éboulement. Je me trouve dans une petite salle, le cul sur une trémie pas très stable. Un peu mais pas trop quand même... ! J'ai l'impression de marcher sur le dos d'une grosse bête à moitié endormie. Je vais tâcher de ne pas la reveiller. Je glisse la tête dans le passage potentiellement exploitable. Oui, c'est pas très large mais... ! Je m'acharne pendant un bon moment sur les cailloux et sur une dalle en particulier qui obstrue le passage. Elle est grosse mais j'arrive à la bouger, un peu. Pas beaucoup, mais assez pour rêver. Je me glisse dans l'ouverture que je viens d'agrandir. Encore un peu juste. Je m'agrippe à nouveau à la dalle et je pousse comme un forcené. Elle bouge encore un peu... ! Ça y est je devrais pourvoir me faufiler là-dedans. Heureusement que je n'ai pas un gabarit de troisième ligne.. ! Je passe les pieds en premier, dos à la roche. Je tiens les blocs au-dessus de ma tête avec le dévidoir et je me contorsionne tout en finesse et en douceur. J'ai quand même bien vérifié que le tas de cailloux ne risquait pas de dégringoler à mon passage. A priori, si je n'éternue pas juste à ce moment là, il ne devrait rien arriver. Je rentre le ventre, je serre les fesses, je caresse la roche, je m'enroule autour. Je n'ai jamais pris autant de soin et de précaution pour franchir une étroiture. Bon, je me suis échauffé sur celle de l'entrée du S3, à peu près le même genre. Un passage assez technique où je prends bien garde d'avoir mes deux détendeurs à portée de bouche... ! Et me voici de l'autre côté, j'ai du mal à y croire. Ça continue mon gars... ! L'Orbiquet t'offre encore de l'inconnu.. ! Quel bonheur.. ! Aucun doute sur la direction à emprunter. Après quelques mètres, je sors à nouveau dans une salle, avec un petit lac et le départ du S5. Pas d'éboulis n'y d'étroiture ce coup là. Quand même pas à chaque fois... ! J'essaie de trouver un amarrage sur cette roche aussi friable qu'une vieille biscotte périmée. C'est à devenir fou. Tu attrapes un rocher, non un paquet de craie et il se délite dans tes doigts. Pas moyen de trouver du solide, une cavité en pudding ! Et je repars. Je me laisse descendre et j'aperçois une galerie en bas à droite, avec un grosse couche d'argile au fond. Étrange, le passage est étroit et presque colmaté. Je soulève l'argile, pas de courant. Bon, la suite ne peut pas être par ici. Je remonte et en effet une belle galerie ovoïde s'ouvre sur la paroi. Un tunnel, une invitation à la première. Une gueule béante dans la roche, juste en face de moi et je m'y engouffre sans attendre. Le courant est bien là lui aussi, pas d'erreur possible, je suis au bon endroit. J'arrive à un carrefour, décidément, ça devient une habitude, après la Sexa, voici que l'Orbiquet se divise. Je me méfie toujours de ces bifurcations. Je soulève l'argile devant la galerie de droite, elle part directement dedans. Un aval, ça ne sera pas pour aujourd'hui plus assez de gaz. Je me dirige vers la galerie de gauche, je soulève à nouveau un peu d'argile, elle file vers la sortie, l'amont. Bingo... ! La galerie est vraiment bien dessinée, un arrondi un peu aplati, trois mètres de large pour deux mètres de haut environ. Pas beaucoup d'amarrages.... ! J'arrive au bout de mon fil et j'ai laissé mon deuxième dévidoir au départ du siphon. C'est sans regret, j'ai largement dépassé les limites acceptables. De toute façon, l'objectif est atteint et dépassé même. Je voulais franchir l'étroiture et voir si ça continuait, un peu. Ca continue franchement... ! Génial... ! Et dire que nous pensions tous que l'Orbiquet c'était fini, terminé, plié. Depuis onze ans, plus un centimètre de nouveau. Il y a bien eu quelques tentatives, un peu de désobstruction, mais pas de première. Même moi lors de ma dernière plongée je ne pensais pas que ça passerait... ! Comme quoi.. ! L'Orbiquet compte maintenant cinq siphons et son développement est de 890 mètres. Si aucun éboulis n'entrave la progression, j'espère dépasser le kilomètre lors de la prochaine plongée. Qui sera sans doute réalisée, partiellement en recycleur.. ! Je rentre, heureux comme je ne l'avais pas été depuis bien longtemps. Une jolie petite exploration. Je me contente de peux, je suis loin des kilomètres réalisés par les Anglais au Ressel ou à Pozzo Azul. Mais ce genre de bonheur ne se mesure pas en distance parcourue, heureusement d'ailleurs... ! J'aime bien cette cavité. Elle est variée et pas du tout monotone. La première partie est assez linéaire avec des dimensions correctes. La seconde partie est plus sinueuse et plus intime. Les passages techniques alternent avec les passages simples. Les franchissements entre les siphons sont courts et faciles, pour une fois ça ne ressemble pas aux travaux forcés. La belle vie.. ! Bon, Il a y a les deux étroitures « sévères » dont une dans la mini trémie. Mais je ne vais pas faire mon malheureux, je crois que j'aime ça les étroitures dans le fond. C'est une exercice de style et une belle gymnastique intellectuelle. Histoire de vérifier si on est bien dans sa tête.. ! Comme d'habitude, je rentre poussé comme une plume par le débit important de la rivière. Presque pas besoin de palmer. Un retour express en à peine plus de trente minutes. Je ressors dans la vasque, il pleut, c'est désert. Je reste assis dans l'eau. Je savoure ces derniers moments de plaisir. Je viens de vivre un pure instant de bonheur, un luxe, une chance. L'endroit est paisible, il me fait un peu penser aux ambiances des films de Hayao Miyazaki. Oui, c'est ça, l'endroit ressemble un peu à un décors du Voyage de Chihiro ou de Princesse Mononoké. Paisible et mystérieux. Les esprits de l'eau, de la forêt, les Kodamas, doivent m'observer dissimulés dans les arbres ou dans les rochers. Je reprends la route, encombrées de camions et de bouchons. J'ai du mal à me concentrer sur la conduite, j'ai encore la tête dans le cinquième siphon à savourer cette petite découverte. Je vais attendre le retour du soleil et la fin de la pluie pour voir si un peu plus loin est toujours aussi bien... ! Bien que je connaisse la réponse, j'irais voir quand même.... !
Exploration Juillet 2012
Après un petit intermède estival et quelques plongées dans la grande bleue, en famille, je suis retourné à l'Orbiquet. Vous savez, cette petite source en Normandie, dans laquelle j'avais réussi après de nombreuses contorsions à me faufiler dans un amas de rochers pour continuer l'exploration de cette résurgence dans la craie. Gonflé à bloc, j'avais prévu large afin de rejoindre le terminus et avec de quoi tenir une bonne heure pour la partie à explorer. Comme d'habitude, le début fut lent, quatre S80 et deux dix litres acier, en montage latéral, n'offrent pas un hydrodynamisme exceptionnel. Comme d'habitude, le courant était violent, ici dans « le nord », il pleut comme en novembre... ! Comme prévu, j'ai mis environ 90 minutes pour rejoindre l'ancien terminus. Dans les sections intimes, je devais tirer comme un forcené pour les bras pour avancer. Après une petite pose boisson et restauration, je jette le relais en bas du passage et je me laisse glisser en tirant mes deux bouteilles, tenues à la main. Voilà que je fais du « no mount » en plus... ! Trop tendance. Et là, dans la galerie qui emmène au quatrième siphon, je découvre mon fil sous un amas de gros blocs. Gros et nombreux en plus... ! Des gros cailloux qui n'étaient pas là la dernière fois... ! Après une seconde de doute, je ne rêve pas, le fil a bien disparu sous les pierres... ! Pas courant cette affaire. Mes craintes se confirment et justifient mon insomnie de la nuit précédente. En effet, j'ai remarqué lors de mes deux précédents passages dans la salle entre le S3 et le S4 qu'elle est en pleine évolution. Elle s'effondre, elle se creuse, elle vie. Et je l'avoue, l'idée de me glisser à travers le passage super étroit avec cette menace d'effondrement a perturbé mon sommeil. Le danger et le risque de se retrouver coincé derrière m'a mis une pression forte et j'ai eu un mal de chien à trouver le sommeil. Rien à voir avec l'excitation de l'avant plongée, non je sentais bien le danger réel, le risque élevé de cet endroit. Et là, devant le spectacle, mes craintes s'avèrent fondées et justifiées. Je pousse un ou deux cailloux pour passer et je ressors dans la salle. Le talus de terre que j'avais découvert la première fois a disparu, emporté par le courant. Cette terre était encore meuble, toute fraîche et instable. De nouveaux cailloux jonchent le sol et lorsque je lève la tête, je constate en effet que le plafond est tout propre et que les chutes de rochers ne sont pas vieilles. Ce que je vois au dessus ne m'inspire pas confiance, pas du tout. De la pierre mais aussi une sorte d’agglomérat de cailloux et de terre qui tient, pour l'instant... ! Vu la taille des caillasses dans le siphon et vu l'aspect du plafond, je trouve que cette salle est un peu trop instable à mon goût. J'y suis venu trois fois en un peu plus d'un an et à chaque fois, elle avait un aspect différent... ! La déception est énorme, mais je prends ma décision rapidement. Je n'ai aucune envie de courir le risque de rester bloquer, emmurer. Je trouve que le pourcentage estimé au pifomètre est bien trop élevé pour tenter le coup. La première oui, mais pas à n'importe quel prix... ! Je repars déçu. Pour la première fois, je capitule face au milieu. Nous observons rarement une évolution rapide, constante d'une cavité. Les galeries semblent appartenir à un autre temps, à une échelle millénaire. Cette immobilisme d'apparence nous rassure assez souvent, bien que dans certaines galeries comme au Ressel, l'évolution et les effondrements de certains passages sont observés depuis que le plongeur cavernicoles y batifolent régulièrement. Mais là, l'évolution me semble vraiment trop rapide. Tant pis, je ressortirais les dévidoirs pleins, mais je ressortirais... ! Au retour, j'en ai profité pour me défouler dans une petite galerie sur la droite, dans la zone des 600 mètres. Repérée par les précédents explorateurs, j'avais laissé une marque lors de la dernière plongée. Je laisse mes trois relais, une partie de la quincaillerie. Je fixe le fil et je m'engage dans le boyau. Je m'attends au pire et en effet je ne suis pas déçu. Étroit, bourré d'argile volatile, aucun endroit pour fixer le fil, la touille se lève immédiatement. J'avance d'environ quarante mètres avant de butter sur un cul de sac. J'aurais quand même fait un peu de première.... ! Pas complètement bredouille. J'arrive à me retourner et je tente de rembobiner le fil, sans me transformer en paupiette. Ça n'est vraiment pas le moment. La visibilité est nulle, totalement. Je pousse une bouteille devant moi, je rembobine, je change de détendeur. J'avance à tâtons, en aveugle total. Par endroits, il n'y a que 30 centimètres de passage entre le sol et la roche. Heureusement que c'est un peu mou. Je vais avoir du nettoyage à faire en sortant. Je retrouve mes bouteilles et je ressors sans histoire après quatre heures passés sous terre. Pour une fois, le soleil brille, le ciel est bleu et je ne ressors pas sous la pluie. Une bonne journée quand même, tout compte fait... !
Exploration Septembre 2014
Cela tournait à l'obsession. Je n'arrêtais pas d'y penser, même la nuit, j'en rêvais. Ma dernière exploration à la source de l'Orbiquet remontait à deux ans et demi, en avril 2012, avec un arrêt sur rien à 890 mètres de l'entrée. L'effondrement du plafond d'une salle avait refroidi mes ardeurs. Après avoir retrouvé mon fil sous un amas de rochers, j'avais décidé d'attendre un peu que les choses se calment. Après plusieurs visites afin de vérifier l'évolution de l'effondrement, j'ai décidé d'y retourner. En effet ça semblait stabilisé... ! Combien de départs avortés depuis deux ans ? Combien d’insomnies avant la pointe prévue et finalement reportée. Rester coincé derrière, très peu pour moi. Finalement, j'ai enfin décidé d'y retourner, pour de bon après une ultime visite de vérification... ! Pourtant, l'Orbiquet ne fait pas forcément rêver le commun des plongeurs souterrains. Beaucoup d'argile. Une première partie relativement « confortable », une seconde beaucoup plus étroite. Un courant excessivement violent, surtout dans les parties les plus étroites. Presque impossible d'avancer en palmant, il faut tirer comme un dingue sur la roche pour progresser. Des étroitures, des vraies. Obligation de les franchir avec les bouteilles à bout de bras. Et avec les deux bras en avant, sinon, les épaules ne passent pas. Deux étroitures dans des trémies...instables. Et puis au retour une visibilité aléatoire, voir nulle. Et pourtant, j'en rêve de ce terminus. Je m'étais arrêté dans une belle galerie, le fameux « collecteur principal », plus rien à voir avec tout ce qu'il y a avant. Un beau tube, grand, large, avec un beau tapis de sédiment au sol... Alors, hier, lorsque j'ai enfin accroché mon fil à l'extrémité de la ligne, la joie, le bonheur et le plaisir ont explosé dans ma petite tête... ! Quel pied... ! J'ai oublié tous les efforts pour arriver jusque là. Le courant, les relais, les étroitures, les progressions entre deux siphons. Mes yeux se sont dilatés et j'ai apprécié chaque mètre de nouvelle galerie, comme des kilomètres. C'est grand, deux à trois mètres de large, par deux mètres de haut, voir plus par endroits. Il y a d'autres départs, à visiter la prochaine fois. Et ça continue, avec une alternance de siphons et de salles. Et malgré mes deux gros dévidoirs, je n'avais pas assez de fil... ! Quoique ? Il était temps de rentrer quand même. Au retour j'ai relevé les points topos de la partie explorée, sur le fil. Car au niveau de la visibilité.. ! J'avais parfois du mal à voir ce que j'écrivais.... ! L'argile dégringolait du plafond à chaque expiration... ! Donc, j'ai attaché mon fil juste au début d'un nouveau siphon... ! Et s'il ne pleut pas trop, je vais revenir assez vite, en recycleur. Car là, avec mes 6 blocs, j'ai atteint la limite de mes capacités et surtout de celle de la galerie. Ça ne passait pas toujours très bien...! Entre deux siphons, je vérifiais l'heure. Je n'étais pas en avance pour le rendez-vous téléphonique avec mon fiston. Mais l'avantage à l'Orbiquet, les retours sont ultra rapides. Tu avances à 9 mètres minutes à l'aller, même avec la première partie en scooter.... ! Tu rentres à 25 mètres minutes... ! T'as intérêt à enfoncer la tête dans les épaules... ! Je retrouvais mes relais, mon scooter et malgré la visibilité médiocre, je rentrais à fond la caisse. Heureux de cette superbe plongée et de cette première tant attendue. Je retrouvais le ciel après plus de 4h30 passées seul sous terre. Jubilatoire... ! Donc aujourd'hui, l'Orbiquet, c'est 9 salles et cloches, dix siphons et environ 1030 mètres de développement. Pas trop mal pour une émergence perdue dans la craie en plein pays normand, loin des « grandes classsiques » de la plongée souterraine... !